Mon Cinéma - Une autre réalité

 

 

Je fais partie d’une génération sans repère.
À cause de tout ce qui précède, nous ne pouvons pas nous satisfaire de la réalité, mais ne sommes en aucun cas capable de l’améliorer, ou de la combattre, s’en suit alors un mécanisme de fuite vers une autre réalité, plus à même de répondre à nos attentes.
Le développement parallèle des jeux vidéo et des jeux de rôle illustre parfaitement ce besoin de déconnexion avec la réalité, permettant, pour quelques instants, de s’échapper, de manière de plus en plus réaliste et en impliquant de plus en plus le joueur dans l’univers virtuel.
Je ne porte pas de jugement sur l’attitude qui consiste à fuir la réalité pour évoluer dans une autre (qui demanderait à elle seule une étude complète et poussée), mais c’est un fait qu’il est important de relever : nous cherchons l’évasion.
Une fois de plus, le cinéma ne peut rester en retrait par rapport à ce besoin et offre un grand nombre de réalités déformées ou parallèles.

Parfois, seules quelques petites touches d’irréel parsèment les films, à l’image de Pulp Fiction. L’action s’y déroule dans le même monde que le notre, mais le montage des scènes dans un ordre non chronologique (qui font agir des gens censés être morts dans la scène précédente, par exemple) donne une impression d’imaginaire, où les actions n’ont pas réellement de conséquence, où l’on peut revenir en arrière, sur ce qui a été fait...
Cette impression est d’autant plus accentuée que les dialogues entre les personnages sont, eux, très proches du quotidien, donnant un sentiment coutumier immédiatement brisé par le montage.

Bernie sort déjà beaucoup plus des sentiers battus de la réalité : situations loufoques, dialogues décalés, personnages étranges...
Le contexte dans lequel évolue l’histoire est bien réel, mais les choses qui s’y déroulent s’envolent vers le fantasque, à l’image de l’identité du héros, Bernie, qui va évoluer à mesure de ce qu’il apprend (ou qu’il croit apprendre) sur son passé, changeant son nom au fur et à mesure de l’histoire.

L’inverse se passe dans Crouching Tiger, Hidden Dragon. Dans ce film, les personnages sont très ancrés dans le réel, les dialogues également mais ce sont leurs actions qui sortent de l’ordinaire.
Des bonds qui ont l’allure de vol, une légèreté permettant de rester en équilibre sur des branches de bambou... Et une fois de plus, l’irréel est amené avec naturel, personne ne s’en étonne ni ne s’en offusque, il semble venir de soit, et si cela peut étonner au départ, on s’y accoutume très vite.

Surfant sur la vague gothique actuelle, les vampires sont revenus en force dans l’imaginaire commun. Mais plutôt que d’habiter des châteaux lointains de Transylvanie, ils sont plutôt représentés comme étant pleinement intégrés dans notre réalité, l’observant tout en s’y nourrissant, et créant une société parallèle bien à eux.
L’exemple parfait en est Interview with the vampire, adapté de la série de livres à succès d’Anne Rice, qui narre la vie du vampire Louis, immortel torturé entre son humanité perdue à laquelle il se rattache et la bête qui le possède.
Le mythe du vampire est particulièrement intéressant dans le fait qu’il permette à tout moment de s’échapper de la réalité d’une simple étreinte.

Pour finir avec ces évasions de la réalité, citons la série animée japonaise Cowboy Bebop.
Se déroulant dans un cadre de science fiction, elle offre déjà une réalité légèrement différente de la notre, mais ce n’est pas là le point intéressant. La vraie fuite de la réalité réside dans le personnage principal, Spike Spiegel.
Ancien membre d’un grand organisme mafieux, il va s’en échapper en mettant en scène son décès et en faisant croire qu’il est mort. La série début peu de temps après, et va mettre en scène diverses aventures dans lesquelles le passé de Spike va parfois ressurgir (sous la forme d’un ancien camarade : Vivious, qui, lui, n’a pas quitté la mafia) mais Spike va toujours parvenir à s’enfuir. Finalement, au dernier épisode de la série, il va enfin faire face à son passé et va mourir.
Entre ces deux morts, tout semble n’être qu’un rêve dans lequel Spike a fui, où il manque plusieurs fois de se réveiller jusqu’au réveil final et fatal.
C’est l’archétype de la fuite de la réalité.

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"Are you living in the real world ?"
Cowboy Bebop