|

Je fais partie d’une
génération sans avenir.
Nous n’avons jamais connu d’époque prospère,
ou de contexte optimiste. Au contraire, tout ce qui nous entoure
semble représenter une menace à plus ou moins
court terme : le chômage, le SIDA, la fin des ressources
naturelles sont autant d’épées de Damoclès
sous lesquelles nous vivons en permanence.
Qui peut actuellement s’imaginer un futur radieux et prometteur
?
Les projets se font à court terme, les solutions sont
aussi immédiates que temporaires, le pessimisme est omniprésent.
C’est le phénomène « no future ».
Il semblerait même que ce phénomène soit
alimentée par les médias, qui maintiennent les
gens dans une certaine crainte, qui catégorisent et radicalisent
les problèmes, qui font une menace globale d’un
fait divers...
Le cinéma participe à cet état d’esprit,
et ce, à différents niveaux.
La science fiction d’abord
est presque intégralement tournée vers un futur
catastrophique. Une bonne moitié des films se passant
dans l’avenir décrivent un monde post apocalyptique
dans lequel la loi du plus fort a repris ses droits, où
l’homme doit effectuer un combat perpétuel pour
sa survie. Une autre catégorie des films de science fiction
présente des mondes dans lesquels un régime totalitaire
s’est installé, où la liberté n’est
plus qu’une notion vague et distante.
Nous sommes donc confrontés à deux types de futur
: la destruction ou la dictature, deux visions héritées
de la deuxième guerre mondiale.
Ainsi, le film Brazil propose une vision
à la fois décalée et très noire
de l’avenir, très inspirée du livre 1984
de George Orwell pour la domination de la bureaucratie, et où
les seules échappatoires sont dans des rêves éphémères,
aux réveils de plus en plus douloureux.
Beaucoup plus proche
du réel, bien qu’à l’ambiance très
déjantée qui le ferait presque ressembler à
un cartoon, le film Dobermann met
en scène un groupe de braqueurs de banque ultra violents
et sans aucune morale qui font face à un inspecteur de
police encore pire qu’eux dans ces deux domaines.
C’est ici l’escalade de la violence qui est pointée
du doigt : que va-t-il se passer si la police emploie les mêmes
méthodes que les criminels, qui eux-mêmes doivent
aller encore au-delà, etc ?
La réponse est dans le film : c’est le chaos le
plus total.
Plus récent et
plus traumatisant, vient Requiem for a
Dream.
Ici, c’est le problème de la drogue qui va être
soulevé, en suivant quatre personnages principaux aux
destins croisés, dont le point commun est l’utilisation
de drogues, pour des raisons diverses.
On assiste là à une véritable descente
aux enfers, d’autant plus impressionnante que la première
moitié du film présente une vision plutôt
optimiste de leur vie. Mais finalement, le « no future
» va les rattraper de manière aussi brutale que
violente, le plus chanceux va se retrouver en prison, les autres
auront un destin bien plus cruel, illustrant parfaitement une
société où il n’y a pas d’échappatoire,
où tout finit mal.
Mais le film le plus
représentatif du malaise actuel face à l’avenir,
peut-être par son aspect très documentaire et réaliste,
reste la Haine.
Pas de fusillades spectaculaires ou de représentation
du mal absolu, pas de fin ignoble ni de pouvoir écrasant
et asservissant les individus.
Il s’agit seulement d’un récit de vie de
trois jeunes gens désenchantés vivant en banlieue,
s’ennuyant et se laissant entraîner petit à
petit dans la spirale de la violence.
Pour comprendre une société,
il est important de connaître son rapport à l’avenir,
celui de ma génération est clairement sombre,
oscillant entre appréhension, crainte ou pessimisme total.
Suite
>>>

"Now they got the
whole country sectioned off, you can't make a move without a
form."
Harry Tuttle, Brazil
|
|